France | Le Défenseur des droits présente son rapport d’activité

Défenseur des droits, Jacques Toubon, résume en conférence de presse:

"2016 a confirmé que le Défenseur des droits, 5 ans après son entrée en fonctions en juin 2011, est une institution de la République à la fois jeune, montant en puissance, et reconnue, apte à exercer une influence au service de l’effectivité des droits et de la promotion de l’égalité.

Notre activité a crû sensiblement, qu’il s’agisse de demandes reçues, de dossiers traités tant par les délégués territoriaux que par l’équipe centrale, ou du nombre d’interventions.

La convention des délégués, deuxième du genre, a montré le rôle important de notre réseau territorial pour faire face aux difficultés d’accès au droit, rôle reconnu par les élus comme par les administrations.

Le déménagement de notre siège, remarquablement mené, n’a pas ralenti le rythme de notre action.

Nos interventions nous ont permis de déposer davantage d’observations devant les juridictions – avec des succès notables comme l’arrêt de la Cour de cassation sur les contrôles d’identité et de lourdes décisions d’indemnisation en faveur de salariés discriminés – et de participer, par avis et par auditions, à de nombreux travaux parlementaires, législatifs ou de contrôle. Nos recommandations générales, nos rapports, nos études, ont constitué autant de propositions de réforme pour le progrès du droit.

Pour autant, et le présent rapport y est largement consacré, l’accès au droit a tendance à reculer dans notre pays.

La grande enquête en population générale réalisée au printemps dernier, dont nous exploitons désormais les résultats détaillés, le démontre amplement. Le non-recours au droit est un phénomène majeur dans notre société. Il s’explique par un certain retrait du service public et particulièrement une réduction des fonctions d’accueil, d’orientation et d’assistance, au profit de procédures numérisées. C’est ainsi que le Défenseur des droits se trouve chargé de rendre effectifs les droits des publics les plus vulnérables, en particulier les plus pauvres, âgés ou handicapés, qui subissent encore davantage ce recul du service public.

Plus profondément, les inégalités entre individus et groupes produisent elles-mêmes ce phénomène de non-recours. On le voit en particulier en ce qui concerne la lutte contre les discriminations. Dans la réalité, elles perdurent ; une proportion réduite de celles et ceux qui les subissent les ressentent comme telles, et un nombre encore plus faible s’adresse à l’une des voies de recours ouvertes par le droit positif.

La faiblesse des politiques publiques de lutte contre les discriminations depuis des décennies n’est pas étrangère à la méconnaissance des réalités et à l’ignorance des procédures. L’intervention, en toute fin de quinquennat, de la loi Égalité et citoyenneté, et les avancées contenues dans la loi de modernisation de la justice, auxquelles le Défenseur des droits a fortement contribué, n’auront pas permis de rattraper le retard. Et d’autant moins que la conduite de la lutte contre les discriminations au sein de la politique de la ville est sûrement une avancée pour les quartiers prioritaires, mais semble laisser en jachère une véritable action de lutte contre les discriminations en tous lieux, pour toutes et pour tous.

L’actualité terrible de 2016 a également conduit le Défenseur des droits à se prononcer sur l’équilibre entre les exigences de la sécurité et le respect des garanties des libertés fondamentales. Au fil des cinq lois prorogeant l’état d’urgence et des projets législatifs et constitutionnels destinés à prévenir et à poursuivre le terrorisme, j’ai montré comment nombre de dispositions restreignaient nos libertés publiques et individuelles, déplaçaient la frontière entre l’autorité judiciaire et la police administrative, et au total affaiblissaient l’état de droit que je persiste à considérer comme la meilleure réponse à l’entreprise terroriste.

La « crise des migrants », comme l’écrivent improprement les journaux, retient l’attention du Défenseur des droits depuis qu’il a été mis en place. Dès 2012, Dominique Baudis était à Calais et, pour ma part, j’ai diligenté en juin et juillet 2015 une mission sur place qui a permis de publier le 6 octobre suivant le rapport documenté sur la situation des droits fondamentaux dans l’aire de Calais.

À la suite d’un travail d’analyse de plus d’une année, nous avons, le 9 mai 2016, publié le rapport « les droits fondamentaux des étrangers en France ». Et entretemps, plusieurs recommandations portant sur la prise en charge des mineurs étrangers, et spécialement des mineurs non accompagnés, ont mis en lumière les défaillances des autorités européennes et françaises dans l’application des droits des étrangers et des migrants.

Si j’ai accordé tant d’attention à la situation des mineurs non accompagnés, notamment ceux qui ont été évacués de Calais et des campements parisiens, c’est qu’elle illustre parfaitement les manquements de la République au titre d’au moins trois missions du Défenseur des droits : les droits fondamentaux des enfants en vertu de la Convention internationale, les insuffisances dans le fonctionnement des services publics, et le traitement discriminatoire des étrangers et des migrants dans des circonstances où, au mépris des droits universels, leur qualité d’étranger est prise en considération avant leur qualité d’usager, de malade, d’enfant, de demandeur d’emploi ou de logement.

Dans ce domaine comme dans les autres, l’année 2016 nous l’a encore démontré : dans un pays où l’égalité reste un objectif encore non atteint, l’effectivité des droits peine à être assurée et d’autant plus que les tentations de repli, de refus d’appartenance, et le recul de l’esprit républicain, s’installent chaque jour davantage.

Le Défenseur des droits doit donc, à la fois, répondre scrupuleusement à la demande sociale et participer à un combat pour le droit, par l’éducation, la formation, la recherche et la communication.

Le rapport d’activité pour 2016 décrit exhaustivement ce que nous sommes et ce que nous faisons en assumant cette double vocation.

Expert, exact, indépendant et libre, le Défenseur des droits n’est pas pour autant neutre et indifférent. L’institution de la République que nous sommes doit être un acteur de la réforme afin que l’objectif d’égalité se réalise peu à peu au service de toutes les vies dans notre pays."

 

Source: Défenseur des droits, France

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